C’est à cette date, en effet, que des anglais, aidés par quelques lausannois, décident de créer le premier club de tennis de suisse sous le nom de club anglais de Lawn Tennis, situé alors à l’angle du boulevard de Grancy et de l’avenue Fraisse. A l’époque, le tennis se pratiquait sur l’asphalte. Les dames jouaient en robes très longues et bas. Le premier comité est composé de M. Davis, président, du baron de Reuterskjöld, vice-président, et de M. Dubois, caissier.
En 1898, le club s’installe à l’emplacement actuel et prend le nom de Montchoisi Lawn Tennis Club, appellation simplifiée plus tard en Montchoisi Tennis Club (Montchoisi étant le nom du quartier). L’endroit est idyllique et les joueurs disposent de six courts en macadam, « …situés entre des allées ombragées par de hauts arbres. ». Nous n’avons que très peu de renseignements sur les premières années d’existence du club. On sait pourtant qu’on appliquait alors les règles anglaises. Ainsi, par exemple, il était interdit de jouer le dimanche.
En 1912, M. et Mme Gustave Payot deviennent gérants des courts. Quatre ans plus tard, ils en sont les propriétaires. En 1925, le club s’agrandit et compte désormais huit courts en terre battue, ce qui à l’époque est considérable.
Jusqu’en 1945, le Montchoisi TC est dirigé par la famille Payot, aidée par une commission de jeu. Pendant plus de trente années, le style du club, l’ambiance qui y règne, seront marqués par leur présence. Il suffit d’entendre les plus vieux membres parler de cette époque pour se rendre compte à quel point l’histoire du Montchoisi Tennis Club ne peut être séparée de M. et Mme Payot et de leur fille Lolette.
Les résultats de Mlle Payot, qui deviendra plus tard Mme Dodille, ont pour beaucoup contribué à faire du Montchoisi Tennis Club, un club coté. En effet, elle fut championne suisse de simple de 1929 à 1935 sans interruption et gagna souvent aussi le titre en double mixte et en double dames. Mais c'est surtout sur le plan international qu'elle obtint des résultats sensationnels et tout à fait inhabituels pour un sportif suisse.
On peut citer, entre autres, ses victoires dans les championnats internationaux de Suisse, sur terre battue, en 1931, 1933 et 1934 et en 1932, 1933 et 1935 sur courts couverts, dans les championnats de France sur courts couverts en 1932 et 1935, ses nombreux succès en double dames, ainsi qu'en double mixte avec Marcel Bernard à Roland Garros en 1935.
Entre les années 1930 et 1940, MM. Max Ellmer et H.C. Fischer, membres d’honneur du Montchoisi TC, se font agréablement remarquer.
Tous deux participent à de multiples reprise à Wimbledon et Roland Garros et représentent de nombreuses fois la Suisse en Coupe Davis. En 1934, ils battent même ensemble l’équipe des Indes par 5 victoires à zéro !
Max Ellmer obtient en outre le titre de champion suisse en 1932, 1934, 1935 et 1936 en simple et de 1933 à 1937 en double messieurs. Max Ellmer se distingua à Roland Garros en atteignant les huitièmes de finales en 1934 et les quarts de finales à Wimbledon en 1938. Mais de tout cela, Maxi ne se ventait pas et n’en parlait pour ainsi dire jamais. Cette modestie donne une grande valeur à cet ami que le tennis et plus particulièrement notre club ont connu.
En 1940, le Montchoisi Tennis Club fait appel à un joueur déjà très connu. Élève, comme le champion américain Wilding, du fameux professeur anglais Cowdray, il a un style classique irréprochable. Professeur à Reims et à Paris, puis en Suisse à Saint-Gall, à la Chaux-de-Fonds, au club Savoy à Lausanne, il enseigna au Montchoisi Tennis Club à partir de 1960. Il a été onze ans entraîneur de l’équipe suisse de Coupe Davis. Il gagna les deux seuls championnats suisses professionnels auxquels il participa, en 1951 et en 1955 à l’âge de 52 ans ! Ce champion, ce professeur hors ligne que bien d’autres clubs nous envient, c’est Jack Rigollet.
Dès 1941, le club organise, grâce à MM. Maurice Bridel, Jacques et René Werten-Schlag, Raymond Perriraz, Claude Payot, plusieurs tournois nationaux et internationaux qui obtiennent énormément de succès. La presse de l’époque les considère d’ailleurs comme très importants.
Pour les finales des grands tournois et les matches exhibitions, on plaçait des estrades sur les courts n° 2 et 4 et les parties se déroulaient sur le court n° 3. On a pu compter ainsi, avec le public massé sur la terrasse du club-house, jusqu’à 1500 spectateurs !
Dès 1945, le terrain et les installations deviennent propriété de la Ville de Lausanne et le club se constitue en association, avec un comité présidé d’abord par M. Jacques Weitzel qui, avec quelques amis, assume la responsabilité financière de cette nouvelle entreprise. Après la guerre, notre club accueille encore d’autres champions, tel Drobny, Budge Patty, Kho Sin Kie, Davidson et en 1963, en simple passant, le baron von Cramm.
Le tennis féminin a toujours été brillamment représenté dans notre club. C’est ainsi qu’après Mme Dodille-Payot, Mme Enzen et Mlle Violette Rigollet ont remporté à elles deux de nombreux titres nationaux. Violette Rigollet a même été six fois consécutivement championne suisse de simple de 1948 à 1953. A part d’autres victoires internationales, elle remporte les championnats internationaux de Suisse à Gstaad en 1954.
Mme Enzen, pour sa part, outre son titre de championne suisse de simple en 1956, de double mixte et de double dames, a fait gagner plusieurs fois au Montchoisi Tennis Club le championnat suisse interclubs série A, avec Mlle Rigollet à deux reprises, en 1950 et 1951, et avec Mlle Spielmann une fois, en 1958. Cette dernière victoire fut particulièrement bien accueillie, puisque, cette année-là, le Montchoisi Tennis Club fêtait ses 75 ans d’existence.
C’est aussi au Montchoisi Tennis Club que se sont révélés les frères Blondel. Paul a été trois fois champion suisse en 1952, 1954 et 1956 en simple et plusieurs fois en double. Quand à Jean-Pierre, il a remporté le titre de champion suisse en double messieurs et en double mixte. Dans les années 1980, François Studer, élève de Jack Rigollet puis dirigié par Max Ellmer, et Tim Sturdza, champion suisse de 1966 à 1971 et en 1974, ont réussi de brillantes performances. Aucun membre du club ne s’est bien sûr illustré comme l’avaient fait, avant la guerre, Lolette Payot ou Max Ellmer; il est vrai que, depuis lors, les données du tennis de haute compétition se sont bien modifiées.
Cette période est marquée par la fin d’une époque : Jack Rigollet, celui qui acculait son adversaire au fond du court pour mieux placer son redoutable drockshop, celui qui enseignait le tennis le plus classique avec infiniment de patience et de bonne humeur, a mis un terme à sa carrière. Lui ont succédé Serge Terrade, François Mainetti, Lucien Sulloway et Anne-Marie Nunweiler, sans oublier bien sûr Lolette Payot qui enseigna encore à mi-temps en 1983.
Il y a aussi eu la transformation, en deux étapes, du club-house : rénovation des vestiaires et création d’une terrasse ouest en 1968-1969, phase ponctuée par une fresque peinte au rez-de-chaussée par l'artiste Claire Nicole.
La réfection des courts, en 1974, débattue avec passion lors d’assemblées générales houleuses où s’affrontaient, le regard meurtrier et le verbe acide, partisans du tout-Maag et inconditionnels du Greenset. Durant 5 jours en septembre 1975, nos membres eurent le grand plaisir de voir évoluer sur nos courts Colin Dowdeswell, champion de Rhodésie et finaliste du Double Messieurs à Wimbledon cette année-là. Entre deux tournois, il était venu rendre visite à Maxi Ellmer. Il fit des parties d’entraînement avec Francois Mainetti, jouant également avec nos meilleurs juniors filles et garçons.
Sans être bien sûr aussi connues, que de personnalités ont marqué de leur empreinte, à des titres divers, notre club. Parmi tant d’autres, citons Bernard Lefort (devenu directeur de l’Opéra de Paris), le célèbre écrivain américain Shepherd Mead (qui signa plusieurs articles dans les revues annuelles du Montchoisi Tennis Club), Tom Uxhull, Niels Ingels ou encore le placide Norman Macintosh. Rappelons aussi le palmarès du Sportsmanship Trophy qui, dans l’esprit de son créateur, Sam Dinerman, devait récompenser la plus grande sportivité sur, mais aussi en dehors du court : mis en jeu de 1969 à 1973, ce challenge est allé successivement à Franz Neumaier, Nat N’Guyen, Renée Robert-Tissot, Paul Agopian et Robert Baldin.
Rappelons encore le passage en nos murs de Ion Tiriac, qui avait été amené par Tim Sturdza, et aussi un certain Björn Borg, numéro 1 mondial, venu taper quelques balles avec son épouse Marianna en juillet 1981, juste après Wimbledon, à l’invitation d’une amie de la famille, le professeur Anne-Marie Nunweiler.
Par Philippe Jaton & Jean-Claude Weil.